Rémi Carlon – Violoncelle italien du XVIIIème siècle

Bien qu’il puisse m’arriver de me produire seul en récital, le cœur de mon projet artistique s’inscrit dans la pratique du quatuor à cordes. Très jeune, l’association, l’échange, le partage ainsi que l’esprit d’équipe ont été le moteur de cette envie de créer un ensemble de musique de chambre. Vers l’âge de 16 ans je me lance avec des amis du CRR de Paris dans cette formation du quatuor à cordes. J’ai le pressentiment, à cet instant, que ce sera le moteur de ma vie de musicien.

L’idée ne me quittera plus même pendant le temps de préparation et de travail personnel demandé pour intégrer le prestigieux Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Paris. A la fin de mes études au CNSMDP, en 2017, je co-fonde le Quatuor Elmire avec lequel je suis toujours en activité.

Plusieurs aspects de cette formation m’ont toujours beaucoup attiré, tels que la rencontre et l’échange entre quatre individualités mais aussi la rencontre entre quatre instruments et leur mise en vibration.

Le rôle de violoncelliste dans le Quatuor en tant que lieder rythmique et harmonique est un métier à part entière qui s’apprend, se peaufine et évolue avec l’expérience acquise. Il fait prendre conscience de ce rôle fondateur qu’est la basse d’un Quatuor à cordes, au même titre qu’une voix de basse dans un ensemble vocal où tout se construit à partir de cette dernière. En musique de chambre le violoncelle est sorti de l’anonymat de basse accompagnante grâce à l’audace et au génie des grands compositeurs de la période classique : on voit poindre cette approche novatrice du rôle du violoncelle chez Haydn, avec une mise en majesté chez Mozart  (on pense aux merveilleux quatuors prussiens) et une révélation géniale chez Beethoven où le violoncelle impose sa dialectique par l’affirmation solitaire de thèmes ou de figures rythmiques (c’est évidemment le quatuor op 59 n° 1 premier mouvement et scherzo qui me vient à l’esprit). Pour le violoncelliste de quatuor que j’ai choisi d’être j’ai pris conscience que l’expression musicale était forcément magnifiée par le choix d’un instrument qui puisse amplifier l’expressivité de mon jeu. La prise de possession récente d’un merveilleux violoncelle italien du XVIIIème siècle, confié pour le temps de ma vie d’artiste par le Fonds Eisenberg, a été une chance incroyable. Elle n’a fait que confirmer la pertinence du choix pris très jeune de consacrer ma vie au quatuor. Ainsi l’exigence de la formation du Quatuor et son travail sans fin sont pour moi un des aspects attractifs car l’on peut créer, rechercher, se poser des questions, revenir en arrière, avancer, trouver une identité de son, arriver à une interprétation et à des partis pris musicaux communs. Le champ des possibles est alors grandement ouvert ainsi que les libertés qui en découlent.

Aussi, le répertoire immense qui existe pour cette formation est l’un des aspects qui m’a énormément plu. En effet, des chorals de Jean-Sébastien Bach à la musique de nos jours, nous avons peu le temps de nous ennuyer. Le travail avec des compositeurs contemporains est également important pour nous car nous pouvons échanger avec des compositeurs de leur vivant, vivre au plus près de leurs intentions musicales ce que nous aurions rêvés de faire avec des illustres compositeurs tel que Ludwig van Beethoven pour ne citer que lui !

Se produire, partager des moments forts avec le public, découvrir de nouvelles salles dans différents pays et rencontrer les artistes d’aujourd’hui avec qui il nous arrive de partager la scène, est ce à quoi nous aspirons pour le plus longtemps possible. Mais ce n’est pas tout : la transmission avec les générations futures fait partie intégrante de notre métier. Il est essentiel pour le Quatuor et moi-même d’aller à la rencontre de jeunes publics, de leur transmettre ce que nous aimons et de leur faire partager notre quotidien et les exigences qu’il met en jeu au service de la musique.